Pré-requis
Pour bien comprendre ce billet de blog, il est conseillé de lire l’article ci-dessous. Ici je partirais du principe que l’on se comprend quand je parle de juxtalinéaire.
Article : A brief history of juxtalinears.
Contexte
Un projet en cours chez Xenizo vise à concevoir des outils d’aide à la traduction pour le contexte de CCBT. Ces outils doivent être faciles d’utilisations et pourront être, pour certains, en partie automatisés.
Dans ce cadre, Scribe (logiciel libre de traduction des Écritures) est utilisé comme lieu d’expérimentation où de nouvelles fonctionnalités sont testées.
Le “juxtaligneur” est l’une de ces fonctionnalités.
Pourquoi un juxtaligneur ?
L’alignement fait souvent partie du processus de traduction de textes bibliques. Classiquement, la traduction produite est alignée directement au texte source grec (ou hébreux). Un ou plusieurs mots sont “alignés” à un ou plusieurs mots grec : “j’ai traduit ce(s) mot(s) grec par ce(s) mot(s) dans ma langue”.
Ce travail (manuel) permet de :
- Relier les ressources : on peut ensuite créer des interactions intéressantes pour les traducteurs grâce à ce découpage, comme surligner les traductions d’un mot dans quatre ressources différentes par exemple.
- Vérifier la traduction : pendant le travail d’alignement, les traducteurs comparent ce qu’ils ont produit au texte d’origine de manière très précise, au niveau du mot. Ça peut permettre de repérer des incohérences.
La limite de l’alignement c’est qu’il faut parler grec.
Ce que permet le juxtaligneur
Le juxtaligneur a pour objectif de rendre l’alignement beaucoup plus accessible en enlevant la nécessité de lire du grec.
Typiquement, une juxtalinéaire a vocation à être utilisée conjointement à d’autres ressources par des personnes traduisant depuis une langue passerelle vers une langue rare. Elle permet ainsi d’avoir accès, si besoin, au grec correspondant.
Le juxtaligneur part de la colonne en langue passerelle de la juxtalinéaire plutôt que du grec. La tâche d’alignement devient ainsi : “j’ai traduit ces mots de la langue passerelle par ces mots dans ma langue”.
Là où le juxtaligneur est intéressant, c’est que même si on cache le grec pour l’utilisateur, chaque “chunk” (ligne) de la langue passerelle reste alignée à son chunk correspondant en grec. Quand l’utilisateur a fini sa tâche d’alignement entre sa traduction et la langue passerelle, sa traduction est aussi alignée au grec. Ça permet donc de garder les bénéfices de l’alignement de différentes traductions à la langue source (grec ou hébreux), avec une unité un peu plus large : au lieu d’être au niveau des mots, on se place au niveau de chunks grammaticalement pertinents.
L’interface actuelle du juxtaligneur
Voilà la maquette après une semaine de travail au Hackathon Open Components Ecosystem (OCE) 2024. Il n’y a ici que deux chunks pour illustrer, mais c’est l’écran principal lorsque le mode juxtaligneur est lancé : des chunks de la langue passerelle à gauche et leur traduction à droite.
Pour arriver à ce résultat, tout a commencé par un brainstorming que j’ai organisé avec l’équipe. Il avait comme base de réflexion le parcours utilisateur ci-dessous, créé en amont en concertation avec notre linguiste, Quentin.
Pendant la tâche d’alignement, trois actions principales se répètent. Il peut aussi y avoir besoin d’ajouter une quatrième étape s’il faut modifier un alignement déjà fait. Plus rarement et en dehors de la boucle du parcours, il reste possible de se rendre compte d’une erreur dans la traduction cible qu’il faut pouvoir corriger.
Avec ce support, le brainstorming consistait à dessiner des idées d’interfaces en répondant à la question : “Comment l’interaction va se passer, pour une partie ou pour l’ensemble du parcours utilisateur, pour que ce parcours soit efficace et agréable à faire ?”
Grâce aux idées produites, une première version a pris forme. Pour guider les utilisateurs, j’ai ajouté une bulle d’aide expliquant les interactions avec le juxtaligneur. Cette bulle s’affiche automatiquement à la première ouverture du mode juxtaligneur et reste accessible sous la forme d’un bouton d’aide.
Dans un cas normal, l’utilisateur sélectionne un chunk, le(s) mot(s) qu’il souhaite aligner avec, puis continue avec le chunk suivant, jusqu’au dernier. Quand tous les chunks sont alignés, il est possible de marquer le contenu comme traité avec le bouton “Aligned” en bas de page avant de passer à la phrase grecque suivante.
Mais il peut arriver que tous les chunks ne nécessitent pas d’alignement. Ce cas est illustré ci-dessous.
Le juxtaligneur a été expérimenté en tests utilisateurs puis amélioré pendant la semaine du Hackathon. Il demande encore des tests en conditions réelles pour être peaufiné et certaines fonctionnalités lui seront ajoutées, comme la modification à la volée de la traduction cible, ou une pop-up affichant la progression de l’alignement dans l’ensemble de la Bible traduite.